quinta-feira, 15 de fevereiro de 2007

Rousseau. Sobre as Leis, manuscrito editado por Vaughn, link ao lado.

III. DES LOIS.

[MS. Neuchâtel, 7867.]
(a)
La seule étude qui convienne à un bon peuple est celle de ses lois. Il faut qu'il les médite sans cesse pour les aimer, pour les observer, pour les corriger même, avec les précautions que demande un sujet de cette importance, quand le besoin en est bien pressant et bien avéré. Tout État où il y a plus de lois que la mémoire de chaque citoyen n'en peut contenir est un État mal constitué; et tout homme qui ne sait pas par coeur les lois de son pays est un mauvais citoyen; aussi Lycurgue ne voulut-il écrire les siennes que dans les cœurs des Spartiates.

Si l'on me demandait quel est le plus vicieux de tous les peuples, je répondrais sans hésiter que c'est celui qui a le plus de lois. La volonté de bien faire supplée à tout, et celui qui sait écouter la loi de sa conscience n'en a guère besoin d'autre; mais la multitude des lois annonce deux choses également dangereuses et qui marchent presque toujours ensemble: savoir, que les lois sont mauvaises et qu'elles sont sans vigueur. Si la Loi était assez claire, elle n'aurait pas besoin sans cesse de nouvelles interprétations, ou de nouvelles modifications; si elle était assez sage et si elle était aimée et respectée, on ne verrait pas ces funestes et odieuses contestations entre les citoyens, pour les éluder, et le souverain, pour les maintenir. Ces multitudes effroyables d'édits et de déclarations qu'on voit émaner journellement de certaines Cours ne font qu'apprendre à tous que le peuple méprise avec raison la volonté de son souverain, et l'exciter à la mépriser encore davantage, en voyant qu'il ne sait lui-même ce qu'il veut. Le premier précepte de la Loi doit être de faire aimer tous les autres. Mais ce n'est ni le fer, ni le feu, ni le fouet des pédants de cour, qui font observer celui-là, et pourtant, sans celui-laà, tous les autres servent de peu; car on prêche inutilement celui qui n'a nul désir de bien faire. Appliquons ces principes à toutes nos lois: il nous serait facile d'assigner le degré d'estime qu'on doit à ceux qui les ont rédigées, et à ceux pour qui elles ont été faites. Par exemple, la première réflexion qui se présente en considérant le gros recueil de Justinien, c'est que cet ouvrage immense a été fait pour un grand peuple: c'est-à-dire, pour des hommes incapables d'aimer leurs lois, par conséquent de les observer et même de les connaître; en sorte qu'en voulant tout prévoir Justinien a fait un ouvrage inutile.

348Soit qu'on fasse attention à la multitude énorme de ces lois, ou aux perpétuelles discussions d'intérêt sur lesquelles elles roulent presque uniquement, ou aux diverses interprétations dont on semble avoir eu soin de les rendre susceptibles, on y reconnaît aisément l'avarice qui les a dictées. Que Tribonien et Théodora les aient vendues au plus offrant, je n'ai pas besoin que Procope me l'apprenne. Procope a pu être un calomniateur. Mais un témoignage plus fort que le sien est celui de ces lois mêmes, et des mœurs de la Cour où elles ont été compilées.

Un Lacédémonien, interrogé par un étranger sur la peine infligée par Lycurgue aux parricides, lui répondit qu'on les obligeait de paître un boeuf qui du sommet du mont Tégète pût boire dans l'Eurotas: 'Comment, s'écria l'étranger, serait-il possible de trouver un tel bœeuf? — Plus aisément, reprit le Lacédémonien, qu'un parricide à Sparte.' La terreur peut contenir les scélérats; mais ce n'est jamais par les grands crimes que commence la corruption d'un peuple; et c'est à prévenir ces commencements qu'il faut employer toute la force des lois. Voilà le principe sur lequel il faut juger de ce que peuvent les lois, non seulement pour épouvanter le vice, mais aussi pour encourager la vertu. Je sais que le premier prix des bonnes actions est le plaisir de les avoir faites; mais les hommes ne connaissent ce plaisir qu'après l'avoir goûté, et il leur faut des motifs plus sensibles pour leur donner la première habitude de bien faire. Ces motifs sont les récompenses bien choisies et encore mieux distribuées; sans quoi, loin d'honorer la vertu, elles ne feraient qu'exciter l'hypocrisie et nourrir l'avarice. Ce choix et cette distribution sont le chef-d'oeuvre du Législateur. Un mauvais précepteur ne sait que donner le fouet; un mauvais ministre ne sait que faire pendre ou mettre en prison. Ainsi nos politiques, qui ne croient faisables que les petites choses qu'ils font, n'auront garde d'adopter ces maximes; et c'est tant mieux pour nous. Car, s'ils admettaient l'utilité des récompenses, ils n'imagineraient qu'argent, pensions, gratifications; ils établiraient vite349 de nouveaux impôts dont ils distribueraient quelques petites portions à cette troupe d'esclaves et de coquins qui les environne, et mettraient le reste dans leur bourse. Voilà ce que le peuple gagnerait à cela350.

Un auteur moderne qui sait instruire par les choses qu'il dit et par celles qu'il fait penser, nous apprend que tout ce que la Loi propose pour récompense en devient une en effet351. Il n'était donc pas plus difficile aux Législateurs d'exciter aux bonnes actions que d'empêcher les mauvaises. Cependant ils se sont presque tous bornés à assurer la vindicte publique et à régler entre les particuliers les discussions d'intérêt: deux objets qui devraient être les moindres de la législation dans un État bien constitué.

Les lois qui parlent sans cesse de punir, et jamais de récompenser, sont plus propres à contenir les scélérats qu'à former d'honnêtes gens. Tant que les lois s'arrêteront aux actions et qu'elles ne diront rien à la volonté, elles seront toujours mal observées; parce que, avec quelque sagesse qu'elles soient conçues, la mauvaise intention donne toujours des lumières suffisantes pour apprendre à les éluder.

C'est une chose qu'on ne peut assez admirer chez les premiers Romains; l'unique punition portée par les lois des Douze Tables contre les plus grands criminels était d'être en horreur à tous: Sacer estod. On ne peut mieux concevoir combien ce peuple était vertueux, qu'en songeant que la haine ou l'estime publique y était une peine ou une récompense dispensée par la Loi.

De sorte que, dans un État sagement policé, la Loi pourrait dire comme la prêtresse Théano: 'Je ne suis point ministre des Dieux pour détester et maudire, mais pour louer et bénir353.'

L'histoire ancienne est pleine de preuves de l'attention du peuple aux mœurs des particuliers; et cette attention même en était la peine ou la récompense la plus sensible.

Les Législateurs sanguinaires qui, à l'exemple de Dracon, ne savent que menacer et punir, ressemblent à ces mauvais précepteurs qui n'élèvent les enfants que le fouet à la main354. [S. M.]

Aos leitores

Este espaço é uma tentativa de colocar à disposição de pessoas interessadas alguns textos teóricos, certas observações críticas, análises minhas e de outros.

Arquivo do blog

Quem sou eu

Minha foto
PROFESSOR DE FILOSOFIA UNICAMP